Une satire acerbe et méchante sur la logique capitaliste et le pouvoir de l’argent. Elio Petri au sommet de sa forme et un casting en or

La proprietà non è più un furto (1973)

(La propriété c’est plus le vol)

Réalisé par Elio Petri

Ecrit par Elio Petri et Ugo Pirro

Avec Ugo Tognazzi, Flavio Bucci, Daria Nicolodi, Mario Scaccia, Orazio Orlando,…

Direction de la photographie : Luigi Kuveiller / Production design: Gianni Polidori / Montage : Ruggero Mastroianni / Musique : Ennio Morricone

Produit par Claudio Mancini

Comédie dramatique

126mn

Italie / France

Modeste employé de banque comme son père avant lui, Total ( Flavio Bucci) a une maladie quelque peu ennuyante, il est allergique à l’argent au sens propre comme au figuré. Lors d’une tentative de hold-up il remarque l’un des clients, boucher de son état (Ugo Tognazzi) qui étale sa fortune avec ostentation et frappe l’un des voleurs à terre pour se défouler. Après une tentative avortée pour obtenir un prêt auprès de son patron, Total démissionne et, sacrilège, brûle un billet de banque devant le directeur terrifié.

Désormais sans emploi, Total se met à voler et décide de s’en prendre tout particulièrement au boucher. Il lui vole d’abord son couteau fétiche, puis son chapeau dans un cinéma porno alors qu’il se fait sucer par sa concubine et employée la belle et jeune Anita (Daria Nicoldi)  pour ensuite cambrioler son domicile. Et ce n’est que le début !

Total, jeune homme névrosé, se définit comme un mandrako-marxiste. Envieux (« il nous a, il nous possède »), il est pour la suppression de la propriété, et en attendant il vole par conviction (« L’égoïsme est le sentiment fondamental de la religion de propriété. Cette situation m’est insupportable »). Du coup il veut tout mais il ne veut rien. Le boucher pour sa part reconnait avoir le « besoin fondamental de s’enrichir », se moquant des crève-la-faim qui acceptent passivement leur sort en se conformant aux lois de la propriété…. ». Et sa compagne/employée/prostituée à domicile ? « Je suis plusieurs morceaux… et je vis comme si j’étais un vase plein de trous ».

Les quatre personnages principaux de cette tragi-comédie s’expriment chacun à leur tour face à la caméra, sur fond noir à différents moments du film, comme au confessionnal.

Total réussit à terroriser le couple, mais pas question pour le boucher de le dénoncer à la police pour autant. Le boucher s’est empressé de faire une fausse déclaration à l’assurance suite au premier vol. Le boucher est-il pris au piège ou, spécialiste des combines et confiant dans le pouvoir qui lui est conféré par le Dieu argent, va-t-il réussir à se débarrasser du jeune malotru ?

» La proprietà non è più un furto » est une satire acerbe et méchante sur le pouvoir de l’argent, comme on pouvait en faire dans les années 70. Les personnages sont grotesques à souhait, l’hypocrisie de la société envoyée à la tronche du spectateur sans aucune retenue. La société, donc nous, sommes à l’image des voisins du boucher, qui refusent d’ouvrir leur porte quand celui-ci crie au vol jusqu’à ce qu’un voisin lui tende un fusil chargé et qu’ils se mettent à l’encouragent à tirer du haut de leur balcon… C’est la passivité des autres, dont celle de la police, qui donne tant de pouvoir au boucher.

Il s’agit de la quatrième collaboration de Petri avec Ugo Pirro en co-scénariste après « À chacun son dû » (1967) et les multi-récompensés  » Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon  » (1970) et « La classe ouvrière va au paradis » (1971). Le casting est bien entendu excellent : Ugo Tonazzi toujours superbe dans les rôles de monstre, et deux jeunes acteurs plein d’avenir : le grimaçant et grotesque Flavio Bucci  et la très sexy et provocante Daria Nicolodi (future compagne de Dario Argento avec qui elle travaillera deux ans plus tard sur un certain « Profondo rosso » ). Enfin, il faut mentionner la musique brillante d’Ennio Morricone, ici parfois à la limite de l’expérimental (ah le générique de début !).

Evidemment certains pourraient juger hâtivement le ton du film daté, mais malheureusement ce n’est pas le cas. Aujourd’hui, les hyper riches sont de plus en plus riches et le discours du boucher (un ersatz de Trump & co) face à la caméra fait froid dans le dos : « Malgré tout je ne suis pas heureux. Plus qu’être riche, je voudrais être immortel ».

DVD zone 2 FR. Studio Tamasa Diffusion (2014). Version originale sous-titrée en français et version française. Bonus :  Entretien avec Elio Petri (16 pages)