Un giallo de 1987 qui arrive à redonner de la vigueur au genre grâce à un regard décalé, de belles idées de mise en scène et sa troupe de théâtre décimée par un tueur  en série à la tête de hibou !

Deliria (1987)

(Bloody Bird)

Réalisé par Michele Soavi

Ecrit par George Eastman

Avec Barbara Cupisti, David Brandon, Richard Barkeley, Clain Parker, Giovanni Lombardo Radice, Piero Vida,…

Direction de la photographie : Renato Tafuri / Montage : Rosanna Landi / Musique : Simon Boswell

Produit par Joe D’Amato et Donatella Donati pour Filmirage

Thriller / Horreur

86mn

Italie

Dans les années 80, le giallo est un genre moribond, dépassé par le slasher américain qui pourtant lui doit beaucoup. Le cinéma italien est en crise, la télé est en train de le tuer avec la même efficacité qu’un tueur en série. Sans utiliser d’armes tranchantes comme dans les gialli de la grande époque, mais le résultat est le même.

Il reste que le giallo perdure encore à doses homéopathiques. En 1987, Dario Argento qui a propulsé le genre à ses sommets avec son premier film  » L’uccello dalle piume di cristallo » sorti en 1970, est de retour avec le flamboyant « Opera« .  Et la même année, un autre giallo sort sur les écrans, qui se déroule cette fois-ci quasi intégralement entre les murs, non plus d’un opéra, mais d’un théâtre : « Deliria » (baptisé « Bloody Bird » en France) Un hasard ? On peut en douter vu que le réalisateur Michele Soavi avait travaillé plusieurs fois avec Argento et était réalisateur de la seconde équipe sur… « Opera » (il a également réalisé le documentaire « Dario Argento’s World of Horror » deux ans plus tôt)

Comme « Opera », « Deliria » opère un changement radical d’atmosphère, embrassant l’esthétique flashy des années 80.Le giallo a toujours été très porté sur un usage marqué des couleurs, il s’agit donc d’une évolution logique, profitant ici des lumières artificielles de la scène pour pousser les codes de couleur (ici bleu, rouge, jaune) dans leurs paroxysmes.

C’est aussi un retour aux sources avec un tueur à tête de hibou, les références animalières étant devenues une marque de fabrique du genre (il y a également un chat noir très présent). Les meurtres sont commis comme il se doit à l’arme blanche, même si là aussi le curseur est largement poussé vers le haut pour être au goût du jour, avec quelques scènes gores du plus bel effet. Il faut dire que notre tête d’oiseau à un bel arsenal à sa disposition : couteau, perceuse mais surtout la tronçonneuse.

Qu’on ne s’y trompe pas. « Deliria » n’est pas seulement une formule dépassée remise au goût du jour. On le constate dès la scène d’ouverture où une prostituée est étranglée dans une ruelle mal éclairée. Alors que les passants se regroupent autour du corps, l’assassin, vêtu de noir et arborant une tête de hibou, bondit de l’obscurité… et se met à danser. Quand la caméra recule, on constate que l’action se déroule sur une scène de théâtre.

Ce regard décalé, avec une pointe d’humour, « Deliria » le gardera jusqu’au bout (avec son clin d’oeil final) et propose une caricature assez réjouissante d’une petite troupe de théâtre qui essaie de faire sensation avec son nouveau spectacle. La troupe est constituée d’acteurs fauchés et plus ou moins impliqués, dirigés par un metteur en scène odieux, dictateur et prétentieux, Peter (David Brandon). Quant au producteur, il est forcément près de ses sous et libidineux. Reste que l’arrivée d’un serial killer échappé d’un asile (coup d’oeil aux slashers) va bientôt remplacer le faux sang par du vrai !

Pour ses débuts en tant que réalisateur de fiction, Michele Soavi livre un film très maitrisé avec de belles idées et une photographie très étudiée (avec l’appui de Renato Tafuri). Michele Soavi continuera une belle carrière par la suite avec des films comme « La chiesa » (1989), « La Setta » (1991), « Arrivederci amore, ciao » (2006) et surtout la comédie horrifique « Dellamorte dellamore » (1994). Ces dernières années, il a essentiellement travaillé pour… la télévision.

Comme souvent dans le cinéma populaire italien, l’action est censée se dérouler aux Etats Unis, avec des acteurs et techniciens qui anglicisent leurs noms pour faire bonne figure au générique. Michele Soavi adopte le prénom de Mickael pour l’occasion. L’acteur et scénariste Luigi Montefiori à qui on doit le scénario de « Bloody Bird » reprend quant à lui son pseudo de George Eastman.

J’avais 16 ans quand « Bloody Bird » a été récompensé à Avoriaz du « Prix de la peur ». Je me souviens d’avoir vu un extrait dans un journal télévisé, probablement sur TF1 ou Antenne 2 (futur France 2). Et je dois dire que ce tueur à tête de hibou m’a marqué. A l’époque je ne savais pas ce qu’étais un giallo mais j’ai toujours voulu le voir. Ce qui est donc fait aujourd’hui, quelques décennies plus tard.

Alors que j’écris ces lignes  « Bloody Bird » n’est pas encore sorti en blu-ray en France et j’ai dû me contenter du sympathique mais vieux DVD sorti par Neo Publishing. Le film est sorti en blu-ray en Italie, donc il y a de l’espoir !