Avec « Suspiria », Dario Argento abandonne le giallo pour le film d’horreur. Une splendeur visuelle et sonore à re-découvrir !

Suspira 1977

Suspiria (1977)

Réalisé par Dario Argento

Ecrit par par Dario Argento et Daria Nicolodi

Avec Jessica Harper, Stefania Casini, Flavio Bucci, Miguel Bosé, Barbara Magnolfi, Alida Valli, Joan Bennett,…

Direction de la photographie : Luciano Tovoli / Production design : Giuseppe Bassan / Montage : Franco Fraticelli / Musique : Goblin et Dario Argento

Produit par Claudio Argento pour  Seda Spettacoli

Horreur

Italie

« Suzy (Jessica Harper), une jeune américain, arrive à Fribourg afin de suivre des cours dans une académie de danse prestigieuse. L’atmosphère générale dans l’école surprend la jeune fille, c’est une atmosphère étrange et inquiétante. Puis cela tourne au cauchemar lorsque surviennent des accidents terribles…. »

« Suspiria » marque une étape très importante de la carrière d’Argento. Après « Profondo Rosso » (1975), chef d’oeuvre du giallo, Argento veut aborder de front le cinéma d’horreur et la magie du cinéma. Il prend alors son inspiration dans les  vieux films d’horreur et les films expressionnistes. Pour donner vie à son envie et ses ambitions visuelles, il recrute le directeur de la photo Luciano Tovoli qui avait travaillé avec Antonioni sur « Professione: reporter » (1975) à qui il demande de travailler sur un technicolor old school et des lumières colorées très fortes. Ils utilisent alors des vieux stocks de pellicule Kodak de très haute sensibilité, rapatriés des Etats-Unis et d’utiliser des tissus pour filtrer les lumières.

Ajoutez à cela, le travail incroyable fait sur les décors, sublimés par le dit éclairage, et vous atteignez des sommités de splendeur visuel. « Suspiria » est indiscutablement l’un des plus beaux films d’horreur qu’il vous sera donné de voir. Chaque image est composée et filmée d’une précision quasi chirurgicale.

Pour ce qui est du thème du film, la première source d’inspiration vient de « Suspiria de Profundis » (1845) de l’écrivain britannique Thomas de Quincey, une anthologie de textes en prose qui est une suite aux fameuses « Confessions d’un mangeur d’opium anglais »(1821). L’un de textes y parle de trois mères qui donnent non la vie, mais la mort.

Argento veut raconter l’histoire de sorcières actuelles, celles qui vivent dans les grandes villes européennes et se mélangent donc à la modernité.

La puissance visuelle du film, et l’interprétation appuyée des acteurs et actrices, donnent une ambiance fantasmagorique à « Suspiria », comme si on était dans un conte de fée surréaliste. Pratiquement l’intégralité du film se déroule dans des intérieurs, on voit très peu le monde extérieur. Quand c’est le cas, ils ont une forte symbolique et leur mise en image est travaillée avec le même souci de précision maniaque que les intérieurs : une grande place de Munich, filmée de nuit sous une lumière encore une fois très travaillée (quasi théâtrale) encadrée de temples (là où Hitler par ailleurs a prononcé certains de ses plus fameux discours) ou la place ultra moderne, encadrée d’immeubles très design, où se tient un congrès de psychiatrie.

La seule concession que dut faire Argento fut de ne pas utiliser des enfants. Il voulait originellement tourné le film avec des enfants entre 10 et 12 ans. Devant l’opposition des distributeurs, il utilise de jeunes actrices, adultes mais avec une apparence enfantine (à l’image de l’actrice principale Jessica Harper repérée dans la comédie musicale « Hair » et « Phantom of the Paradise » de Brian de Palma). Actrices à qui il demande de jouer comme si elles étaient des enfants (en appuyant leurs réactions). Les dialogues eux-mêmes tenus par ces élèves d’une école de danse, et leurs relations, sont souvent un peu puériles. Et il faut dire que ça rajoute au côté dérangeant du film. Leur innocence est d’autant plus choquante face au mal auquel elles doivent faire face.

Dernier aspect à noter qui donne sa force au film c’est l’attention à l’environnement sonore et à la musique. Argento guide le groupe de rock Goblin, célèbre pour ses bandes originales de film, afin qu’il utilisent des instruments bien précis, comme le bouzouki, un instrument à corde grec qu’Argento a choisi pour la qualité de ses vibrations ! Comme dans tout bon film d’horreur (à mon avis en tout cas), ce qu’on entend est aussi important que ce qu’on nous donne à voir.

La mise en scène d’Argento touche au sublime et donne à « Suspiria » une force qui n’existait sûrement pas sous sa forme initiale de scénario, dont les dialogues et même le récit sont in fine assez basiques.

Le succès mondial de « Suspiria » va pousser Argento à continuer dans la voie de l’horreur avec notamment « Inferno » (1980), « Tenebre » (1982), « Phenomena » (1985) ou encore « Opera » (1987) qui vont marquer de manière indélébile le cinéma des années 80.

« Suspira » est un chef d’oeuvre du cinéma d’horreur à ne pas manquer. L’éditeur britannique CultFilms notamment en a sorti une version blu-ray restaurée en 4K par TLEfilms qui est sublime. En attendant une édition française, je vous recommande de vous précipiter sur celle-ci (et non pas sur l’édition blu-ray Wilde Side de 2010 – qui est de toute façon aujourd’hui hors de prix).

Combo blu-ray/DVD UK. Studio CultFilms (2017). Version italienne sous-titrée en anglais et version anglaise. Bonus : interview avec Dario Argento (27′), Commentaire audio d’Alan Jones et Kim Newman, réception critique, documentaire sur la restauration 4K,…