Un classique de l’horreur ibérique où les enfants deviennent des monstres capables du pire. Mais qui oserait tuer des enfants ?
¿Quién puede matar a un niño? (1976)
(Les révoltés de l’an 2000)
Réalisé par Narciso Ibáñez Serrador
Ecrit par Narciso Ibáñez Serrador (sous le pseudo de Luis Peñafiel) d’après le roman de Juan José Plans
Avec Lewis Fiander, Prunella Ransome, Antonio Iranzo,…
Directeur de la photographie : José Luis Alcaine / Montage : Antonio Ramírez de Loaysa et Juan Serra / Musique : Waldo de los Ríos
Produit par Manuel Salvador
Horreur
112mn
Espagne
Le film s’ouvre sur des images d’archive en noir et blanc. Auschwitz, l’Afrique, le Vietnam,… Dans toutes les guerres, les enfants paient un lourd tribu dans des conflits initiés par les adultes et qui ne les concernent pas…
Retour à la période contemporaine, dans une ville touriste sur la cote espagnole. Un touriste anglais, Tom (Lewis Fiander) et sa femme enceinte, Evelyn (Prunella Ransome) passent une nuit sur place. Le lendemain, ils louent un bateau pour se rendre sur une île au large afin de passer des vacances loin de la foule. Mais une fois sur place, le principal village de l’île semble désert et les enfants ont un comportement étrange. Que se passe-t-il ?
Soulignons d’emblée l’imbécillité du titre français. Je ne sais pas qui a été cherché un titre pareil. Aucune allusion à l’an 2000 ou à un quelconque futur n’est faite dans le film qui se garde d’ailleurs de tout basculement dans le fantastique ou la SF pour expliquer le comportement des enfants. Etait-il si dur de respecter le titre original ? « Qui peut tuer un enfant ? » En plus c’est une bonne question posée dans le film par l’un des adultes !
« ¿Quién puede matar a un niño? » ne commence pas très bien. L’ouverture du film avec ses cinq bonnes minutes d’images d’actualité insoutenables (mais devenues quelque part si banales) est un peu maladroite. Et d’autant moins nécessaire que des images semblables reviendront, de façon bien plus rapide, sur un écran de télévision au début du film. Et du coup, il enfonce une porte ouverte et répond assez abruptement à la question posée par son titre. Oui bien sûr les enfants sont les victimes collatérales des tous les conflits causés par les adultes. Ce qui amène à une seconde interprétation de la question, celle essentielle qui sera traitée dans le film : Mais VOUS, que feriez-vous de votre côté si vous deviez tuer un enfant pour sauver votre vie ? Passeriez-vous à l’acte ? Tom et Evelyne sont parents de deux enfants et en attendent un troisième. C’est un jeune couple qui a l’air sain d’esprit (autant qu’on peut l’être) et il n’est pas difficile pour le spectateur de s’identifier à eux.
Le réalisateur espagnol Narciso Ibáñez Serrado construit avec talent un thriller horrifique qui vous prend les tripes. Comment réagir quand le mal vient de là où vous ne l’attendez pas, quand l’horreur provient d’une source généralement synonyme d’innocence ? Un principe qui rappelle « Les Oiseaux » d’Hitchock mais aussi » Village of the damned » (1960) de Wolf Villa.
Avant même qu’on les voit passer à l’acte, Serrador arrive à rendre les enfants terrifiants grâce à des regards appuyés et des cadrages bien sentis. Par leurs actions, générées par un désir de revanche, un réflexe d’auto-défense ou encore par jeu, les enfants mettent à jour un aspect de l’enfance qui existe mais que les adultes ont souvent du mal à admettre : une cruauté et une curiosité morbide et sexuelle. Serrano ne fait que pousser ces traits pour que les enfants passent du statut de proie à celui de chasseur.
Le film vire parfois furtivement vers le gore mais ces images paraissent presque légères par rapport aux films d’actualité qu’on nous montre au début. Avec ou sans ces images, « ¿Quién puede matar a un niño? » reste un film dérangeant aussi bien par son thème que par son traitement sans concession qui a influencé une génération de cinéastes (dont Guillermo del Toro). En 2012, un remake mexicain (de médiocre réputation) voit le jour sous le titre de « Come Out and Play ».
Réalisateur d’origine uruguyaienne, Serrador a commencé sa carrière comme acteur et scénariste pour la télévision Argentine à la fin des années 50. En 1962, il passe à la réalisation et huit ans plus tard, il fait ses débuts au cinéma avec le film d’horreur espagnol « La residencia » (1970). « ¿Quién puede matar a un niño? » est son deuxième et dernier film en date pour le cinéma, mais il a continué à être très actif à la télévision (en tant que réalisateur et scénariste voire acteur) et plus occasionnellement au cinéma (en tant que scénariste).
Le film est également porté par deux acteurs principaux qui s’en sortent très bien même si pour les deux, il s’agit de leur seul film en tête d’affiche. Dans le rôle d’Evelyn, on retrouve l’anglaise Prunella Ransome, une bonne actrice déjà aperçue dans « Far from the Madding Crowd » (1967) ou « Man in the Wilderness » (1971) mais qui a fait l’essentiel de sa carrière à la télévision britannique. Tout comme l’Australien Lewis Fiander mais qu’on a vu également au générique de plusieurs films d’horreur dont « Dr Jekyll & Sister Hyde » 1971) et « The Doctor and the Devils » (1985).
Le film a été pendant longtemps indisponible mais aujourd’hui on peut le trouver en blu-ray non zoné (avec des sous-titres anglais optionnels) chez l’éditeur américain Mondo Macabro. En France, l’éditeur Wild Side Video a sorti le film en double DVD en 2012 mais il est aujourd’hui (en mars 2019) difficile à trouver à moins d’une trentaine d’euros d’occasion.
EDIT : en septembre 2020, l’éditeur Carlotta a ressorti le film en blu-ray et en DVD.
Blu-ray (en steel-book) / DVD FR. Studio Carlotta (2020). Version originale anglaise et espagnole. Bonus : Présentation du film par Fabrice Du Welz (5′), « Qui peut tirer sur un enfants ? » : entretien avec le directeur de la photographie José Luís Alcaine (16′), « Le metteur en scène des enfants » : entretien avec Narciso Ibáñez Serrador (9′), « Narciso Ibáñez Serrador vue par… » : portrait du réalisateur par Guillermo del Toro, Juan Antonio Bayona, Jaume Balagueró et Paco Plaza (27′), « Histoires du cinéma fantastique espagnol » (28′), Bande-annonce 2020