Un chef d’oeuvre de John Huston sur l’Amérique des losers et probablement l’un des films les plus réalistes tournés sur le monde de la boxe
Fat City (1972)
(La dernière chance)
Réalisé par John Huston
Ecrit par Leonard Gardner d’après son roman
Avec Stacy Keach, Jeff Bridges, Susan Tyrrell, Candy Clark, Nicholas Colasanto,…
Directeur de la photographie : Conrad L. Hall / Montage : Walter Thompson
Produit par John Huston et Ray Stark pour Columbia Pictures Corporation et Rastar Pictures
Drame / Sport
100mn
USA
En Californie, à Stockton, Billy Tully (Stacy Keach) est un ancien boxeur devenu alcoolique après que sa femme l’a quitté. Aidé par un jeune homme rencontré dans une salle de sport, Ernie Munger (Jeff Bridges), il tente de refaire surface et de revenir sur le ring…
Dans la ville paumée de Stockton, en Californie, 112.000 âmes dépérissent dans des rues décrépies entre magasins fermés et maisons abandonnées ou en cours de destruction. Des hommes et des femmes errent dans un immense terrain vague. On survit en ramassant des fruits et légumes pour des gros propriétaires et on s’y divertit en assistant à des matchs de boxe où s’affrontent des losers patentés. Parmi eux, Billy Tully (Stacy Keach) est un ex boxeur avec une petite carrière qui a soudainement arrêté de boxer quand sa femme l’a quitté. Depuis, il erre et se promet qu’un jour il remontra sur le ring. Sa rencontre dans une salle de boxe avec un petit jeune prometteur, Ernie (Jeff Bridges) et sa rencontre avec une jeune femme également en perdition (Susan Tyrrell) va le remettre par ricochet sur les rails et lui permettre de remonter sur le ring mais pour combien de temps ?
Huston est lui-même un ancien boxeur, tout comme le scénariste Leonard Gardner, également auteur du livre à l’origine du film. « Fat City » nous vend pas du spectacle haut de gamme, spectaculaire, mais de la boxe réaliste telle qu’elle est jouée dans les villes de l’Amérique profonde. Fat City, c’est l’histoire de mecs sans avenir qui se défoncent le portrait sur un ring pour une poignée de dollars. Ou, au-delà du milieu et de l’endroit où il se déroule, pou reprendre les mots de John Huston expliquant le sujet de « Fat City » à son décorateur et à son directeur de la photo : « Mon film est sur la vie qui fout le camp dans le siphon d’un lavabo sans être capable de mettre un bouchon dans l’évier pour arrêter l’épanchement ».
Au début des années 70, John Huston est dans un creux de la vague. La soixantaine, des problèmes de santé, il a enchainé plusieurs échecs commerciaux. Il faudra donc toute la foi du producteur Ray Stark pour parier sur Huston. Stark a déjà travaillé avec lui sur « The Night of the Iguana » (1964) et « Reflections in a Golden Eye » (1967). C’est un sacré pari. Car mine de rien, le roman de Leonard Gardner, sorti en 1969, est un joli succès de librairie dont Stark a acheté les droits pour la somme extravagante de 100.000 dollars.
Stark est un producteur assez interventionniste, présent sur les tournages. S’il se bagarre parfois avec Huston, notamment au sujet du backgammon, le loisir favori de Huston, mais qui irrite au plus au point Stark qui estime que sa passion du jeu nuit à sa concentration. Il n’empêche que la présence de Stark n’a pas été inutile. Il a notamment apaisé les tensions avec l’écrivain Leonard Gardner, également présent pendant tout le tournage.
Le casting est excellent. John Huston n’a pas obtenu Marlon Brando qu’il voulait pour incarner Tully, mais Stacy Keach est fabuleux en loser. Il en fera à nouveau la preuve quelques années plus tard dans « The Squeeze » (1977). Il est parfaitement entouré par un tout jeune Jeff Bridges et par Susan Tyrrell (incroyable en alcoolique défraichie alors qu’elle n’a à l’époque que 26 ans et signe ici sa première apparition marquante au cinéma) ou encore Nicholas Colasanto en vieil entraineur qui croit toujours en ses gars et en son sport malgré les échecs et les déceptions.
Raccourci d’une vingtaine de minutes après des screens tests désastreux, « Fat City » ainsi monté (sans flash backs de la vie d’avant de Tully, ni les détails de sa dernière descente aux enfers), plus sec et peut être plus équilibré, recevra un bel accueil critique, notamment au festival de Cannes, mais sera ignoré par le public. Un échec commercial que Huston mettra sur le dos du producteur, incapable de s’assurer des services de Brando. Pourtant, Stacey Keach participe indéniablement à la réussite du film. La noirceur et le réalisme sans concession de « Fat City » ont probablement joué contre lui, mais c’est justement cela qui aujourd’hui en fait un film culte, et l’une des plus belles réussites de Huston.
Aujourd’hui, tous ceux qui ont participé au film reconnaissent son côté unique.
Le coffret DVD/Blu-ray ne comprend aucun bonus vidéo mais cette absence est largement rattrapée par la présence du livre de Samuel Blumenfeld, richement illustré et rempli de témoignages passionnants.
Coffret DVD/Blu-ray/Livre FR. Studio Wild Side Video (2014). Version originale sous-titrée en français et version française. Livre de Samuel Blumenfield : l’histoire du tournage du film illustrée de photos et documents d’archives rares (204 pages)
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