Un giallo réussi signé Fulci, visuellement très riche, sur les fantasmes sexuels refoulés d’une bourgeoise anglaise en plein swinging London
Una lucertola con la pelle di la donna (1971)
(Le venin de la peur)
Réalisé par Lucio Fulci
Ecrit par Lucio Fulci, Roberto Gianviti, José Luis Martínez Mollá et André Tranché
Avec Florinda Bolkan, Stanley Baker, Jean Sorel, Leo Genn, Silvia Monti, George Rigaud, Anita Strindberg…
Direction de la photographie : Luigi Kuveiller / Montage : Vincenzo Tomassi et Giorgio Serrallonga / Direction artistique : Román Calatayud / Musique : Ennio Morricone
Produit par Edmondo Amati pour Atlántida Films, Les Films Corona et International Apollo Films
Thriller
104mn
Italie / Espagne / France
Carol Hammond (Florinda Bolkan), fille d’un célèbre avocat, est la victime d’hallucinations étranges où elle imagine des orgies sexuelles sous LSD organisées par sa voisine, la belle Julia Durer (Anita Strindberg), une actrice à la vie sulfureuse et débridée. A la mort de cette dernière dans des conditions mystérieuses, Carol est prise de culpabilité car elle l’a assassinée dans ses rêves.
« Una lucertola con la pelle di la donna » est le second giallo signé Lucio Fulci après un passage réussi au genre avec « Perversion Story » (1969). C’était un grand changement dans la carrière de Fulci jusqu’alors plus connu pour ses comédies et dont il commençait juste à s’émanciper notamment grâce à des westerns au ton plus sadique que la moyenne.
Comme l’explique le grand spécialiste français de Fulci, Lionel Grenier, le film emprunte sur plusieurs points à « Répulsion » (1965) de Polanski (et pas seulement pour le nom du personnage principal tourmenté qui s’appelle dans les deux cas Carol) mais aussi à « Spellbound » (1945) d’Hitchcock où l’enjeu de l’intrigue est de savoir si le personnage central est oui ou non un tueur.
Sous une fausse simplicité, et la forme d’un whodunnit classique (aux explications parfois un peu trop appuyées), l’intrigue est bien plus complexe qu’elle n’y parait, le dénouement est malin et laisse volontairement des zones d’ombre (notamment sur la responsabilité réelle du père de Carol).
« Una lucertola con la pelle di la donna » est visuellement très riche avec ses références à des artistes comme Bacon et Dali (dont les toiles apparaissent dans le film mais dont l’esthétisme imprègne également plusieurs scènes du film).
L’esthétique du film est très réussie (quoiqu’on pense des effets gores). Il faut dire que le directeur de la photographie Luigi Kuveiller a travaillé avec Elio Petri et plus tard oeuvrera sur le classique des gialli « Profondo rosso » de Dario Argento en 1975.
Déjà à la fin des années 60, Fulci pousse l’érotisme et la violence dans ses films de genre et « Una lucertola con la pelle di la donna » ne fait pas exception à la règle. Comme d’habitude, Fulci aime filmer les plaies sanguinolentes en gros plan et le physique avantageux de ses actrices. Des plans qu’on peut juger gratuits, comme les effets de caméra (zooms, split screen, vue subjective, caméra à la main, flou,…) mais qui font partie du style de Fulci et in fine de son originalité. Fulci n’a jamais peur de tomber dans l’excès et la vulgarité et assume son statut de cinéaste populaire mais s’en approprie les codes avec une belle recherche symbolique (ici le sexe féminin, qui obsède l’héroïsme, est omniprésent).
La critique sociale n’est pas non plus absente de « Una lucertola con la pelle di la donna ». La haute bourgeoisie y est décrite comme froide, ennuyeuse et hypocrite (noyée dans ses frustrations sexuelles), le monde hippie est composée de drogués pseudo-artistes et enfin la psychanalyse en prend également pour son grade par toute sa rhétorique qui n’apporte rien et est si facilement contrôlable. Finalement (et de façon assez originale dans un giallo), c’est le détective, interprété par le grand acteur gallois Stanley Baker, qui va remonter l’énigme.
Après le San Francisco hippie des années 60 avec « Perversion Story », Fulci se plonge ici dans le swinging London. C’est aussi un miroir que Fulci tend à la société italienne, sur ses aspirations, ses contradictions et ses fantasmes. Dans les meilleurs Fulci, il y a une bonne dose d’ironie et de misanthropie.
Il s’agit de la première collaboration avec l’actrice Florinda Bolkan qui sera également présente au générique de l’excellent « Non si sevizia un paperino » (1972), le dernier giallo de Fulci avant qu’il parte vers d’autres cieux cinématographiques.
Notons que le film est sorti sur le marché français dans une superbe édition signée Le chat qui fume (avec un blu-ray rempli à ras bord de bonus et un CD qui reprend la musique originale d’Ennio Morricone), malheureusement en tirage limité, et aujourd’hui en rupture de stock chez l’éditeur. Ce qui signifie que les prix peuvent s’envoler assez haut sur le marché de l’occasion.
Coffret blu-ray/DVD/CD. Studio Le chat qui fume (2016). Edition limitée. Version italienne et anglaises sous-titrées en français. Version française. Bonus : le CD Audio de la bande originale du film par Ennio Morricone (74′) / interviews Jean Sorel, Anita Strindberg, Lionel Grenier, Olivier Père, Jean-François Rauger, Christophe Gans, Alain Schlockoff,…
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