Des images et des idées en avance sur leur époque signées Michael Crichton mais de gros trous scénaristiques gâchent un peu le plaisir

Looker (1981)

Ecrit et réalisé par Michael Crichton

Avec Albert Finney, James Coburn, Susan Dey, Leigh Taylor-Young, Dorian Harewoo,, Tim Rossovich,..

Direction de la photographie : Paul Lohmann / Production design : Dean Edward Mitzner / Direction artistique :
Jack G. Taylor Jr. / Montage : Carl Kress / Musique : Barry De Vorzon

Produit par Howard Jeffrey

Thriller/SF

93mn

USA

Le Dr Larry Roberts (Albert Finney) est un chirurgien esthétique installé en Californie. Dernièrement il a opéré des actrices de pub qui sont arrivées avec des mesures précises au millimètre près de ce qu’elle souhaitaient changer sur leur visage. Bon, ça l’a surpris, d’autant qu’à ses yeux ces jeunes femmes étaient déjà parfaites, mais bon après tout c’est son métier ! Par contre quand ces jeunes femmes commettent des suicides ça commence à sentir mauvais. D’autant que ni lui, ni la police n’y croient. Si le Dr Roberts commence à s’intéresser de près aux activités d’un laboratoire expérimental Digital Matrix qui appartient au puissant groupe Repson dirigé par John Repson (James Coburn), la police suit de près le Dr Roberts !

« Looker » est un film écrit et réalisé par MIchael Crichton, connu pour « Westworld » (1973), « Jurassic Park » (1993) ou encore la série « ER » (« Urgences » en France, 1994-2009). « Looker » est un opus un peu oublié dans sa filmographie. Pourtant voici un film à la fois ambitieux et dans l’air du temps.

Pur produit des eighties, il s’ouvre sur la chanson  « Looker » (qui sera même reprise par Kim Carnes). De jeunes mannequins en petite tenue vont donc se faire agressées chez elle, de façon pas trop graphique –  on n’est pas dans un slasher quand même. Après le film prend de l’ambition, le mystère s’épaissit et le suspense est bien tenu. On a droit aussi à de très beaux effets numériques (un avant « Tron » !). Et le film dégage un parfum sulfureux et s’en prend aussi bien aux dictats de la beauté parfaite que – véritable sujet du films – les dangers de la manipulation de masse via la télévision et les images de synthèse (pour vendre des produits mais aussi un candidat à la présidentielle). Un thème encore plus actuel à notre époque même si le danger s’est déplacé vers internet. « Looker’ c’est le deep fake avant l’heure !

Mais le problème du film est qu’il en oublie de donner des raisons cruciales et motivations au profit de scènes d’action. Pourquoi par exemple Digital Matix s’en prend aux mannequins qu’elle a numérisé ? Je n’ai pas compris non plus pourquoi Repson décide que finalement c’est une bonne idée d’aller mitrailler le bureau du Dr Roberts. Sans parler de nombreux autres détails… Par ailleurs la scène de fin est intéressante au niveau mise en scène mais est complètement ridicule scénaristiquement parlant.

A noter que je suis tombé sur la version cinéma du film, mais que suite à un échec public et critique cuisant, un nouveau montage a été diffusé à la télé puis en DVD qui comprend quelques explications (bien que succinctes) et édite le discours anti-télévision (ce qui est peut être préférable pour encourager la diffusion du film sur le petit écran !).

Je ne sais pas exactement quelle est la version qui a été diffusée en DVD en 2008 en France. Du coup je vous reproduit quand même le discours original de John Repson qui vaut son pesant de cacahuètes digitaux : « La télévision peut contrôler l’opinion public avec plus d’efficacité que toutes les armées de police secrète parce que regarder la télévision est basé sur un acte entièrement volontaire. Le gouvernement américain force nos enfants à aller à l’école. Personne ne les force à regarder la télévision. Des Américains de tout âge se soumettent à la télévision. La télévision est l’idéal américain, la persuasion sans la coercition. Personne ne nous force à la regarder. Qui aurait pu prédire qu’un peuple libre passerait volontairement 1/5e de leur vie, assis devant une boite qui diffuse des images ? 15 ans en prison est une punition, mais 15 ans assis devant la télévision, c’est du divertissement. L’Américain moyen passe à présent 50 minutes tous les jours devant des pubs. Ça, c’est du pouvoir. Pourtant les pub restent très basiques. Jusqu’à aujourd’hui. A présent, Repson Industries réalise des pubs scientifiques combinant des images générées par ordinateur et des vrais décors ».

On ne criera pas au chef d’oeuvre incompris et oublié, mais « Looker’ a pour lui quelques bonnes idées et images saisissantes pour un film de cette époque. Et une confrontation de deux géants de la stature d’Albert Finney et James Coburn, ça ne se refuse pas. Mais on ne peut que regretter que Crichton ait pas mieux peaufiné son scénario et son montage. Quelle occasion manquée !

DVD zone 2 FR. Studio Aquarelle (2008). Version originale sous-titrée en français et version française. Bonus : Commentaire audio de Michael Crichton (VOST) / Introduction filmée de Michael Crichton (VOST)