Un giallo aussi atypique que réussi, à la fois thriller morbide et drame sombre autour du personnage de Glenda (joué par la superbe Dalila Di Lazzaro)

La ragazza dal pigiama giallo (1978)

(L’affaire de la fille au pyjama jaune)

Réalisé par Flavio Mogherini

Ecrit par Flavio Mogherini sur une histoire de Rafael Sánchez Campoy et Flavio Mogherini

Avec Ray Milland, Dalila Di Lazzaro, Michele Placido, Howard Ross, Mel Ferrer,…

Direction de la photographie : Carlo Carlini / Production design : Franco Velchi / Montage : Adriano Tagliavia / Musique : Riz Ortolani

Produit par Giorgio Salvioni

Crime / Drame

102mn

Italie / Espagne

Ce giallo de 1978 se distingue d’emblée de la plus grande partie de la production du genre. Deux de ses principales caractéristiques nous sont présentées par un petit texte pré-générique :: « Ceci est une histoire vraie. Le film a été tourné en Australie sur les lieux où les événements se sont déroulés »

Le plus visible, c’est qu’en effet « La ragazza dal pigiama giallo » se déroule en Australie. Enfin, en partie, car parmi le casting, il semble que seules Dalila Di Lazzaro (qui joue Glenda) et Michele Placido (dans le rôle de son mari, Antonio) aient fait le déplacement. On a d’ailleurs  droit à quelques belles images des deux acteurs se baladant dans des lieux marquants de Sydney dont bien sûr son opéra qui avait été inauguré cinq ans plus tôt. Mais sinon la plupart des scènes, même d’extérieur, ont été tournées en Italie (ceux qui connaissent bien l’un des deux pays s’en rendront compte rapidement). Les autres auront peut-être le déclic en voyant des voitures roulées à droite, et non à gauche.

Il est également basé, avec quelques libertés, sur une histoire vraie connue sous le nom du mystère de la fille en pyjama, un fait divers s’est déroulé en 1934 dans un village New South Wales (et donc pas dans les années 70 à Sidney). Je n’en dirai pas trop pour ne pas déflorer le scénario d’ailleurs construit de façon très habile en deux arcs narratifs a priori distincts et semblant se dérouler en parallèle mais dans une ambiance bien différente (sûrement renforcé par le fait que seul l’un des arcs a été tourné en partie en Australie).

Si « La ragazza dal pigiama giallo » est classé parmi les gialli, il faut prendre cette définition au sens large. Même si on retrouve des points communs à beaucoup de films du genre : un meurtre sordide, des jolies filles (avec nudité requise), des personnages grotesques, une mise en scène travaillée et graphique (très belle photographie de Carlo Carlini) ainsi qu’un casting d’habitués du cinéma populaire italien.

Le film s’ouvre sur la découverte d’un cadavre, vêtu d’un pyjama jaune et au visage calciné, dans une épave de voiture échouée sur une plage. La police va tout faire pour tenter d’identifier la victime, allant jusqu’à exposer le corps nu au public pour voir si quelqu’un peut la reconnaitre. La scène, où l’on voit hommes et femmes transformés en voyeurs tourner autour de la boite en verre contenant le corps est aussi étonnante que dérangeante. Mais elle correspond à la réalité du fait divers dont le film s’inspire. Parmi les policiers qui s’intéressent à l’affaire, l’inspecteur Thompson, un retraité qui est heureux de reprendre du service, est le plus intéressant et joué avec une pointe d’ironie par Ray Milland

Mais parallèlement, le film est tout autant un drame brutal autour d’un groupe d’immigrés. Le couple principal, marié, est formé par un Italien et une hollandaise. Tous deux galèrent dans des boulots de serveur. Si Antonio se fait à la réalité d’une vie pas si facile (on va poindre parfois des pointes de racisme), Glenda cherche encore le bonheur, notamment dans les bras d’autres hommes, le bellâtre Roy (Howard Ross) et un riche médecin Henry (Mel Ferrer).  Le personnage de Glenda est montré d’une façon positive, en dépit de la légèreté de ses moeurs et d’un passé qu’elle cache. D’autant qu’autour d’elles, les hommes sont lâches et ne cherchent qu’à profiter d’elle.

« La ragazza dal pigiama giallo » est un giallo atypique mais puissant et très réussi. Si vous êtes sensible à son charme étrange, il ne devrait pas s’effacer facilement de votre mémoire, à l’image des meilleurs représentants du genre. Car n’oublions pas que ce genre populaire a été à l’origine d’un certain nombre de chefs d’oeuvre, bien au-delà des films signés par Dario Argento !

Le Toscan Flavio Mogherini, qui signe ici le scénario et la réalisation, n’est pas un habitué du genre (il reviendra une seconde et dernière fois au giallo en 1994). Il a surtout travaillé comme directeur artistique / Production designer / décorateur sur près de 100 films à partir de la fin des années 40. Il a mis en scène 14 films, essentiellement des comédies. « La ragazza dal pigiama giallo » es en tout cas pas loin d’être un chef d’oeuvre.

Sans vous faire une liste exhaustive du casting, parlons les deux acteurs qui incarnent les personnages principaux de chaque arc narratif. Dans le rôle de Glenda, Dalila Di Lazzaro, qu’on retrouve notamment au générique de « Flesh for Frankenstein » (1973) et de « Voltati Eugenio » (1980) est superbe et très convaincante dans le rôle clé de Glenda. Ray Milland qui joue l’inspecteur Thompson est un acteur gallois qui a eu son heure de gloire dans les années 30 et 40 à Hollywood. Il est resté en contrat pendant plus de 10 ans avec la Paramount., et a travaillé avec les plus grands (Preston Sturges, Fritz Lang, Hitchcock, Billy Wilder,…). Comme nombre de stars hollywoodiennes vieillissantes, il a passé la dernière partie de sa carrière à tourner pour la télévision ou en Europe. Difficile à dire si c’est son seul film italien (il a plus de 170 apparitions sur les écrans à son actif) mais en tout cas il me semble bien que c’est la seule fois qu’il apparait dans un giallo et il apporte toute son expérience au rôle, l’un des plus marquants du film.

Enfin, un petit mot de la musique très réussie de Riz Ortolani qui marie musique instrumentale et disco (la chanson principale est interprétée par une certaine Amanda Lear).

« La ragazza dal pigiama giallo » a été éditée en France en DVD par l’éditeur Le chat qui fume sous le titre de « L’affaire de la fille au pyjama jaune ». Si vous arrivez à mettre la main sur cette édition, épuisée depuis longtemps, ça vaut le coup. D’autant qu’elle comprend un sympathique entretien avec Howard Ross, Renato Rossini de son vrai nom (l’un des amants de Glenda dans le film).