Ecrit et réalisé par l’illustre écrivain, doublement goncourtisé, Romain Gary, « Kill » est un thriller d’exploitation typiquement seventies.
Kill! (1971)
Ecrit et réalisé par Romain Gary
Avec Stephen Boyd, Jean Seberg, James Mason, Curd Jürgens, Daniel Emilfork,…
Direction de la photographie : Edmond Richard / Direction artistique : Enrique Alarcón / Montage : Roger Dwyre / Musique : Jacques Chaumont et Berto Pisano
Produit par Alexander Salkind, Enrique Esteban, Dieter Geissler, Claude Jaeger et Germán Lorente
Crime / Thriller
France / Italie / Espagne / Allemagne de l’Ouest
L’héroïne détruit la vie de millions d’occidentaux, dont de jeunes adolescents. Malgré tout, il semble impossible d’arrêter les truands à la tête de ce trafic international. Et à Interpol, le moral est au plus bas après de nouvelles remises en liberté. Mais le patron d’Interpol, Grueningen (Curd Jürgens) décide de taper un grand coup et d’envoyer son agent le plus expérimenté, Alan Hamilton (James Mason) en Afghanistan où se tient une réunion de trafiquants au sommet, avec pour but de démasquer celui qui opère à la tête de l’organisation.
Mais tout n’est pas aussi simple qu’il le parait. Les trahisons sont nombreuses. Hamilton échappe à une tentative d’assassinat, et la jeune femme d’Hamilton, Emily (Jean Seberg) qui s’ennuie en Suisse décide de partir en Afghanistan de son côté. Elle fait la connaissance d’un meurtrier apparemment fou, Brad Killian (Stephen Boyd) dont elle tombe amoureuse, ajoutant encore une épine supplémentaire dans la chaussure de son mari qui a déjà une vie passablement compliquée !
« Kill » est la deuxième réalisation d’un certain Romain Gary, plus connu pour ses prouesses littéraires, restant à ce jour le seul écrivain à avoir reçu deux fois le prix Goncourt en 1956 puis en 1975 sous le pseudonyme d’Emile Ajar. Cette figure elle-même romanesque de la littérature française, a vu plusieurs de ses romans adaptés au cinéma dont son premier prix Goncourt « Les racines du ciel ». Une adaptation signée par non moins que John Huston en 1958.
En 1968, ce passionné de cinéma fait le grand saut. Il signe sa première réalisation, une production d’Universal France, « Les oiseaux vont mourir au Pérou » avec en tête d’affiche sa femme, l’actrice Jean Seberg. Celle-ci avait déjà été en tête d’affiche pour des films réalisés ses précédents époux et ça s’est mal terminé. Malheureusement l’histoire se répète avec Romain Gary. Le film, un drame abscons laisse dubitatif la critique et le public de l’époque mais réussit quand même à faire scandale et a être le premier film classé X aux USA. Le film demeure aujourd’hui (à l’été 2022) introuvable.
Pourtant, trois ans plus tard, Romain Gary aura l’occasion de revenir sur les écrans avec son deuxième et dernier film, le thriller « Kill ». Et Jean Seberg est à nouveau de la partie, cette fois entouré par un casting international d’envergure : Stephen Boyd, James Mason et Curd Jürgens.
La production européenne est menée par Alexander Salkind, le futur producteur des « Superman » avec Christopher Reeve mais qui avait déjà produit « The Trial » (1962) d’Orson Welles. Salkind embarque d’ailleurs dans l’aventure le directeur de la photographie de Welles sur « The Trial » et « Falstaff », Edmond Richard.
Bien entouré, Romain Gary part ici dans une direction bien différente de son premier film, et nous propose un thriller d’action. Le résultat est… étonnant. Pour les amateurs de films « classiques », c’est un peu la catastrophe. L’intrigue est tirée par les cheveux et pas toujours très cohérente, le montage baroque, les personnages assez incompréhensibles (notamment celui incarné par Jean Seberg), les dialogues kitchs à souhait,… Sans parler de séquences venues de nulle part dont la scène finale grand guignolesque au possible. En disant ça, certains qui connaissent le film pourront m’accuser d’accumuler les euphémismes.
Pourtant, et malgré les conditions de visionnage (un vieux DVD avec une piste audio seulement française !), je trouve que qualifier « Kill’ de ratage complet serait une erreur. Il faut certes oublier un instant le pedigree littéraire du scénariste/réalisateur, sinon on risque l’incompréhension totale. Si « Kill » avait été réalisé par quelqu’un d’autre, un spécialiste du film de genre européen des années 70, on l’aurait placé plus facilement dans sa vraie catégorie : un thriller d’exploitation européen typique de son époque et qui bénéficie, malgré de nombreuses maladresses, de quelques scènes de bravoure et d’un casting de qualité.
Des morts violentes, des femmes nues, des méchants qui font dans la drogue et le porno, des traitres à foison, des mendiants aux tronches inoubliables (pour le côté tiers monde)… Tout ça dans des jolis décors exotiques (bon parfois l’Afghanistan ressemble un peu trop à la Tunisie mais c’est normal vu que le film y a été visiblement tourné en large partie),… Et un héros torse nu et tout de cuir vêtu qui n’a que peu à envier à celui incarné par Sean Connery dans « Zardoz » (1974).
Jean Seberg en voit quand même de toutes les couleurs, et on peut se demander si Romain Gary ne prenait pas quelques libertés pour une vengeance personnelle. Gary ayant provoqué en duel Clint Eastwood en 1968 (le cowboy s’est défilé) après qu’il ait eu une aventure avec Seberg. Le personnage de héros complètement fou incarné par Stephen Boyd a parfois des allures de parodie des héros incarnés par Eastwood et la relation amoureuse qu’elle entretient dans le film avec le personnage de Boyd est quand même assez pathétique. Quoi qu’il en soit, Gary et Seberg divorcent en 1970 avant la sortie du film.
Pas sûr que tout le monde dans l’équipe avait le même film dans la tête. Le résultat est décoiffant, et devrait plaire aux amateurs de série B des années 70 (et ça tombe bien car j’en fais partie).
A noter pour les amateurs de blues (dont je fais également partie), la présence exceptionnelle du pianiste américain légendaire Memphis Slim qui joue du piano et le souteneur dans la scène du bordel/plateau de tournage X pour le baron local de la drogue !
Si vous voulez voir le film, je vous conseille plutôt l’édition Bach Films qui a l’air d’être de meilleure qualité et plus récente que celle que j’ai regardé (et en plus il y a une version anglaise sous-titrée).
DVD FR. Studio Bach Films (2013). Version originale en anglais sous-titrée en français