Au-delà des joutes médiévales sur moto, Knightriders est un drame poignant où encore une fois Romero dénonce le consumérisme et l’obsession individualiste
Knightriders (1981)
Ecrit et réalisé par George A. Romero
Avec Ed Harris, Gary Lahti, Tom Savini, Patricia Tallman, Christine Forrest, Warner Shook, Brother Blue,…
Directeur de la photographie : Michael Gornick / Montage : Pasquale Buba et George A. Romero / Musique : Donald Rubinstein
Produit par Richard P. Rubinstein
Drame
USA
Billy (Ed Harris) est le roi dans une troupe d’artistes qui vivent selon les codes de la chevalerie. Ils parcourent l’Amérique rurale pour montrer leur spectacle de joutes médiévales avec des chevaliers… à moto. Mais les tensions dans le groupe grandissent quand un promoteur et une journaliste veulent en faire des stars.
Le roi Billy (Ed Harris dans son premier grand rôle) se flagelle dans l’eau froide le matin après avoir fait l’amour dans les bois avec sa reine. Pendant ce temps, ses sujets préparent le spectacle de joutes. Quelques heures plus tard, le groupe accueille les visiteurs avec ses échoppes d’artisans, ses musiciens qui jouent de la musique médiévale pendant que sur la scène principale, les combats de joute commencent. Vêtus de leurs armures et montés sur leurs fiers destriers mécaniques, les chevaliers s’affrontent à coup de lances, massues, et épées. Mais de même que la musique médiévale est pré-enregistrée, les armes sont fausses.
Le spectacle chorégraphié voit pourtant s’affronter des combattants qui font tout pour emporter le tournoi et essaient de respecter les valeurs de la chevalerie. Si les armes sont fausses, l’âme de ces chevaliers du XXe siècle essaie de se montrer digne de celles de leurs modèles.
Pourtant, malgré leurs idéaux, la communauté vit dans une époque bien réelle et ne peut être imperméable au monde extérieur. Ce sont des marginaux, en dehors du gros de la société. Sans surprise, la communauté se fait ainsi harcelée par un flic vereux. Et leurs spectateurs sont aussi leurs bourreaux, des beaufs de l’Amérique profonde toujours prêts à se moquer d’eux et de leurs idéaux (coucou d’ailleurs à l’écrivain Stephen King qui joue l’un d’eux au début du film !).
Quand une journaliste et un impresario voudront les débaucher pour les faire tourner dans de grandes villes, la communauté montre alors ses failles. Certains sont las de l’intégrisme moral de Billy, comme Morgan (Tom Savini excellent !) qui décide de se séparer du groupe.
En 1976, Romero veut faire un film médiéval réaliste sur la légende d’Arthur. Mais à l’époque un tel projet ne rencontre aucun enthousiasme chez les studios. Ce qui amènera Romero à s’emporter devant Sam Arkoff, le patron d’AIP : « Peut-être devrais-je faire monter mes chevaliers sur des motos et ajouter une bande son rock’n’roll, alors ça vous plairait ! ». L’idée va en tout cas murir dans la tête de Romero et quand il va rencontrer un groupe de reconstitution historique baptisé Society for Creative Anachronism, il tient alors le scénario de Knightriders.
Imprégné de la légende du Roi Arthur, « Knightriders » est certainement l’un des films les plus étonnants de Romero (malgré son thème, qu’on pourrait qualifier de fantaisiste, le film est un drame – non dépourvu d’ironie – qui se pare d’un souci très pointilleux de réalisme). Au-delà des combats à moto chorégraphiés avec talent, l’intérêt de « Knightriders » se retrouve comme souvent chez Romero dans le sous-texte. Cette communauté, portée par un idéal qui les dépasse, ne peut ignorer les pressions de l’extérieur. Billy est un roi torturé qui veut protéger à tout prix l’idéal de sa communauté, quitte à devenir un tyran. Les années 70 ont connu nombre de tentatives de communautés idéalistes, mais au début des années 80, décennie si matérialiste et individualiste, elles appartiennent au passé.
Romero dit souvent que Billy est le personnage qui lui ressemble le plus. Billy a sans aucun doute l’idéalisme de son créateur dont les films ont toujours été créé dans un esprit communautaire et avec une critique du consumérisme et de l’étroitesse du public américain. L’histoire de Knightriders peut être vue sans problème aussi comme une parabole de la production de films. Celle-ci nécessite un réalisateur fort mais reste un travail d’équipe. Par ailleurs les pressions commerciales sont omniprésentes dans le cinéma qui est par nature toujours une industrie et parfois un art.
Sans surprise, ce film personnel et original est un échec à sa sortie. D’autant que « Knighriders » sort en même temps qu’un certain… « Excalibur » de John Boorman.
A noter qu’à ce jour (juillet 2017), le film n’est pas disponible en France, mais l’éditeur britannique Arrow l’a sorti en blu-ray (avec de nombreux bonus et des sous-titres en anglais).
Blu-ray UK. Studio Arrow. Version originale avec des sous-titres anglais. Interviews. Commentaire audio avec George Romero, Tom Savini, John Amplas et Christine Romero. Interviews d’Ed Harris,Patricia Tallman et Tom Savini. Livret 36 pages.
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