Une plongée terrifiante dans l’outback australien, au bord de la folie. Le chef d’oeuvre de Ted Kotcheff

Wake in Fright (1971)

Réalisé par Ted Kotcheff

Ecrit par Evan Jones d’après le roman de Kenneth Cook

Avec Gary Bond, Donald Pleasence, Chips Rafferty, Sylvia Kay, Jack Thompson,…

Directeur de la photographie : Brian West / Direction artistique : Dennis Gentle / Montage : Anthony Buckley / Musique : John Scott

Produit par George Willoughby

Drame

Australie / USA / UK

John Grant, un jeune instituteur, arrive dans la petite ville minière de Bundanyabba, au fin fond de l’Outback, dans laquelle il doit passer la nuit avant de s’envoler pour Sidney. Mais de bière en bière, de pub en pub, sa nuit va se prolonger jusqu’à l’entraîner dans un terrible voyage à travers une Australie sauvage et primitive.

Noël. John Grant enseigne dans une petite ville perdue dans l’arrière pays australien. Les enfants attendent la fin de la journée de cours dans un silence total juste perturbé par le son des aiguilles de la pendule. Au signal de leur professeur, ils se précipitent vers la sortie.

Grant fait ses affaires pour rentrer à Sydney où l’attend sa fiancée. Il rêve de ne jamais revenir dans l’outback et d’aller s’installer en Angleterre.

Grant prend le train pour la ville de Yabba où il va devoir passer la nuit. Avant de se coucher, il décide d’aller prendre un verre dans un tripot du coin. Mais sa rencontre avec le doucereux chef de la police locale (Chips Rafferty) qui le pousse à boire, l’entraîne dans une spirale infernale et il finit par perdre tout son argent au jeu. Comment va-t-il pouvoir rejoindre Sidney ?

« Wake in Fright » c’est un peu l’enfer de Dante. Grant,  jeune homme éduqué, belle gueule, va traverser tous les cercles de l’enfer l’espace d’une semaine, perdant son complet-cravatte jusqu’à devenir un véritable sauvage au bord de la folie.

Le film est très dur et accumule les scènes fortes qui vous frappent tel un coup de poing dans l’estomac (la partie de pile ou face, les beuveries, la fameuse scène de chasse aux kangourous – âmes sensibles s’abstenir). « Wake in Fright » est véritablement assez terrifiant, une plongée dans l’âme humaine dans ce qu’elle a de plus primitive. La réalisation et l’interprétation sont parfaites. Difficile de ne pas sentir sur ses nerfs l’effet cumulé de la chaleur, de la sueur, de la poussière, de l’alcool et du sang.

« Wake in Fright », c’est un film où les opposés se fracassent les uns contre les autres. Un Noël sous un soleil de plomb, un intellectuel parmi les ploucs, ces derniers semblant faire des concours de politesse et d’hospitalité pour charmer Grant, et ne comprenant pas pourquoi celui-ci n’est pas sous le charme de leur ville ! Evidemment, ce dernier a l’impression d’être un extra-terrestre. Mais l’est il tant que ça ? Grant fait ainsi la rencontre d’un médecin (Donal Pleasance), issu donc d’une profession intellectuelle comme lui, mais qui s’est lui définitivement perdu dans l’alcool et qui semble lui tendre un miroir de ce qu’il pourrait devenir – poussant Grant à la limite du dégoût.

« Qu’avez-vous, vous autres ? Vous exploiter, brûler, tuer, violer, c’est pas grave ! Mais refuser un verre ! Refuser un putain de verre ! C’est un crime. »

Tourné dans l’outback australien à Broken Hill en 1970, « Wake in Fright » a été réalisé avec le soutien du gouvernement australien qui souhaitait placer le pays sur la carte du cinéma mondiale. Il a été d’ailleurs présenté en compétition officielle à Cannes en 1971.

On retrouve beaucoup d’Anglais au générique (notamment Donald Pleasence et Gary Bond), le producteur est un Anglais d’origine norvégienne  et enfin le réalisateur est canadien d’origine bulgare, formé en grande partie à la télévision britannique, Ted Kotcheff (futur réalisateur du premier « Rambo »).

Mais le film rassemble aussi deux acteurs australiens qui forment l’archétype de l’Australien rugueux et laconique, Chips Rafferty (qui est superbe dans le rôle du chef de la police locale) et Jack Thompson (dans le rôle de l’un des « camarades » de beuverie et de chasse de Grant). Ironiquement,  il s’agit ici de la dernière apparition au cinéma de Rafferty et de la première de Thompson.

Evidemment, le public australien a été quelque peu choqué du résultat qui décrivait une Australie laide, féroce et brutale dans laquelle ils ne se reconnaissaient pas.

Le film qui avait été par contre bien reçu à l’étranger, et notamment en France, a marqué une génération de cinéphiles et de réalisateurs. Ce qui lui vaut aujourd’hui la réputation d’avoir été à l’origine de la renaissance du cinéma australien.

Pourtant « Wake in Fright’ était invisible depuis sa sortie, à part quelques diffusions télé censurées. Il a fallu un véritable travail de détective de la part d’Anthony Buckley, monteur du film, pour retrouver de boites de la pellicule originale dans un hangar de Pittsburgh, rangée sous son titre américain (« Outback ») au début des années 2000.

Aujourd’hui on peut donc bénéficier d’une très belle rénovation de ce film indispensable, présenté dans une superbe édition par l’éditeur La Rabbia.

Bluray / DVD zone 2 FR / Livret de 40 pages. Studio La Rabbia. Version originale sous-titrée en français et version française. Bonus : Introduction du film par Nicolas Winding Refn + Entretien avec Ted Kotcheff + Sur le tournage,…